vendredi 17 juillet 2009

Volkovitch et Leiris

Le problème avec les exercices d’écriture, c’est que lorsqu’on remet le nez dedans, on y reprend goût très vite…

Du coup en voici un autre, décliné de deux façons différentes, qui m’amuse beaucoup : les définitions.

Comme pré requis, je vous conseille vivement d’avoir lu «Verbier», de Michel Volkovitch et «Langage tangage», de Michel Leiris. D’ailleurs je vous en conseille la lecture même si vous ne voulez pas vous mettre aux exercices d’écriture. Ce sont des lectures très sympathiques !

Bref, revenons-en au sujet ! L’exercice consiste à définir un mot. Jusque là tout va bien, rien de bien ardu. Définir, oui mais, pas n’importe comment…

Première déclinaison de l’exercice, inspirée de M. Volkovitch.
Piochez quelques mots au hasard dans le dictionnaire et tentez de les définir en vous inspirant à la fois de leur sonorité et de leur sens réel. Quand il s’agit de jouer avec les sons, ça m’amuse toujours…

PSALMODIE : Psaume mélodieux qui murmure à l’oreille. Susurrer pour appeler au cœur comme un « pst ! » appelle à l’oreille, et finir en un son rappelant qu’une mélodie parle parfois plus joliment que les mots.
RAFLE : Eraflure, déchirure brutale qui ravit les êtres. Dur R et F appuyé, comme un souffle de tornade qui emporte tout sur son passage.
TRICHERIE : Tromperie. R qui rappellent douloureusement que rien n’était réel, et tout ces i suggèrent qu’on en a rit. Mais chut…
TORTUEUX : Tordu, torturant pour l’esprit. Mot long qui trahit l’effort de compréhension et la longue torsion de l’esprit qui cherche un sens. Une fin longue et descendante, pour finir par l’abandon, la perte dans les méandres.

Seconde déclinaison, inspirée de M. Leiris.

Inventez des mots, et inventez-en les définitions à partir de ce que leurs sonorités vous évoquent. Ne vous préoccupez pas de leur sens réel (surtout qu’ils ne sont pas supposés en avoir un). Votre définition devra être composée de mots ayant des sonorités proches de celles qui composent le mot à définir.

Un petit conseil : faites cet exercice à deux. Inventez des mots pour votre partenaire, qui en fera autant pour vous. Ainsi vous découvrirez les mots au moment de les définir. Si vous inventez les mots vous-même, vous risquez de faire l’exercice à l’envers : penser à une définition, et trouver un mot qui lui convienne. Ce qui n’est pas le but.

ELZÉVIR : Elixir de Zéphir
OUAOUARON : Fanfaron ouaouaffant (oui, j’ai un peu triché sur celle-là en inventant un mot dans la définition aussi)
KROUMIR : Croupir, pourrir, mourir. Finir au fond d’un trou où ne se reflète aucun sourire.
PÉTAURISTE : Pétarade d’artiste

Amusez-vous bien ;)

lundi 13 juillet 2009

De l'art délicat du pastiche


En discutant "atelier d'écriture" jeudi soir, à l'occasion d'une dédicace, j'ai eu envie de me refaire quelques exercices d'écriture. Et en particulier un : le pastiche.

Pour ceux qui ne connaissent pas, l'exercice du pastiche consiste à écrire un texte à la manière d'un auteur donné. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, il ne s'agit pas d'un plagiat : le plagieur cherche à faire passer son texte pour un original de l'auteur copié, alors que le pasticheur cherche à rendre hommage au style d'un auteur en annonçant tout de suite "à la manière de".

Si d'aventure l'exercice vous tente, voici quelques conseils (ceux-là même qu'on m'a donné à mes premiers essais) :

=> Un auteur se pastiche toujours dans sa langue. Essayer de pasticher Edgar Poe en français revient en fait à pasticher Baudelaire.
=> Plus un texte est long, plus il est difficile de tenir un style qui n'est pas le notre jusqu'au bout. Les meilleurs pastiches seront donc souvent les plus courts.
=> Pour pasticher un style, il faut d'abord l'étudier : les thèmes, les lieux, les personnages dont l'auteur est friand sont aussi importants que la façon dont il use de la ponctuation, son registre de langage, son vocabulaire récurent...
=> Enfin choisissez toujours un auteur que vous aimez. Lorsque l'on pastiche un auteur que l'on déteste, on tombe très vite dans la parodie cynique. Or les caricatures font de piètres pastiches...

Pour l'exemple, en voici deux de mon cru. Ils ne sont peut-être pas excellents, mais je me suis bien amusée à les faire ! Et le meilleur moyen de savoir s'ils sont réussis, c'est de ne pas vous dire qui est ici pastiché : à vous de trouver !

Edit : puisque Gabouga râle qu'il n'y a rien à gagner, le premier qui trouve les deux auteurs gagne un paquet de chamalows (ou de bonbons de son choix) !

Premier pastiche :


Monsieur Courteau, peintre de grand talent mais bien piètre médecin, car n’ayant fait que très peu d’études, avait prié un de ses amis, le docteur Théron de venir l’assister auprès de sa femme. A peine arrivé, ce brillant aliéniste s’enquit immédiatement de la santé de Mme Courteau, fort intrigué, à vrai dire, par les motifs qui avaient amené son ami à s’enquérir de l’avis d’un expert en matière de psychiatrie.

Le peintre lui répondit en ces termes : « Mon cher, tu vas te rendre compte par toi-même. D’ailleurs, elle te racontera elle-même les faits. Il m’est impossible de discerner si elle est encore lucide ou bien définitivement emportée par sa folie. » Comme il disait ces mots, ses mains s’étaient mises à trembler, comme entraînées par une irrépressible angoisse. Il conduisit son ami dans la chambre de la malade. Assise dans un fauteuil, près de la fenêtre toute grande ouverte, elle semblait plus pâle encore que les fleurs des pommiers au dehors, et incroyablement amaigrie comme le sont ces patients que les maux de l’esprit rongent de l’intérieur.

Ayant sourit et tourné la tête vers eux, elle dit : « Bonjour Armand, je sais pourquoi vous êtes venu et je vais vous raconter mon histoire puisque François m’en a priée. Il me croit folle. Peut-être le croirez-vous aussi, mais j’en doute, à la lumière de ce que je m’apprête à vous conter. Lorsque j’en aurais fini, il est certain que ni lui ni vous n’aurez plus de doutes, et que vous comprendrez que je suis malheureusement tout à fait saine d’esprit.
Mais je veux commencer par les faits eux-mêmes, les faits dans leur simple vérité.
Cela remonte à 4 mois à peine. Je m’appliquais alors à la taille de mes rosiers, comme il se doit à chaque début de printemps. Je fus prise soudain d’une étrange impression. Il me semblait que quelqu’un m’observait – ou quelque chose peut-être. L’inquiétude me prit, je cherchais des yeux partout, de part et d’autre des haies, quelle pouvait bien être cette présence que je ressentais jusqu’au plus profond de moi. Je ne vis rien. Mais cette épouvantable et inexplicable impression ne me quitta plus de l’après-midi, et même de la nuit, durant laquelle je ne dormis pas. Une sensation indéfinissable m’écrasait la poitrine ; il me semblait que, dans ce lit, nous étions trois.
Au matin, mes craintes étaient dissipées. Je songeais alors qu’une fatigue inhabituelle ou bien une insolation pouvait être cause de mon état de la veille. Je m’attelais donc de nouveau à ma tâche, et entrepris d’en finir avec les rosiers. Ce travail dura quelques heures avant que le malaise ne me reprit. Mais il me reprit bel et bien, et, tout à coup, je sentis deux mains me saisir par les épaules. Je me jetais en avant, fis demi-tour et brandis, tremblante, terrifiée, mon sécateur devant moi ; il n’y avait personne. Ah ! … J’avais peut-être été le jouet d’une hallucination ! Après une insolation et une nuit sans sommeil, cela était des plus concevables. Pourtant j’étais sûre de ce que j’avais ressenti. Je portais alors mes mains à mes épaules, et, à ma grande stupeur, je découvris que ma manche gauche pendait lamentablement, déchirée en lambeaux depuis l’emmanchure jusqu’au poignet.


second pastiche :

Depuis toujours, j'aime observer la vie nocturne. Souvent, alors que le jour vient de se coucher, je m'assieds sur le balcon qui surplombe les allées, le jardin et ses massifs. Et, ainsi pendant des heures, je demeure à contempler le silence et l'obscurité ; ce silence qui en effraye plus d'un mais qui tend plutôt à m'assourdir ; le voile qu'il pose sur toute chose est si épais que mes sens s'aiguisent à leur paroxysme pour percevoir le moindre son : un hululement, un clapotis, le froissement de l'herbe sous les bonds d'un lièvre. Ces perceptions restent imprimées pendant un laps de temps après que le bruit en lui-même ait cessé ; je ne les entends plus réellement mais elles persistent comme ces images lumineuses qui impressionnent la rétine plus longtemps qu'on ne les voit. Puis, le son s'estompe, comme le blanc du cercle chromatique lorsque celui-ci ralentit ; la persistance sonore s'efface, ne laissant plus possible qu'une reconstitution imaginaire des sons ; aussitôt de nouveaux bruits m'assaillent et mon attention se porte sur un nouveau point, plus loin peut-être ou juste à mes pieds, mais peut-être aussi dans une des maisons voisines, qui me semblent comme des objets curieux, posés-là, comme des éléments étrangers à la vie nocturne. Je me demande quel peut-être leur lien avec ce monde de la nuit ; j'entends les voix qui les habitent, fortes ou sereines, comme les composantes d'une mélodie, parlant dans le noir, me dire leur inappartenance à ce monde de silence nocturne où seul celui qui ne fait pas de bruit à ses chances ; Et l'obscurité qui restera reine des lieux jusqu'au petit matin rend plus perceptible le moindre craquement, le froissement des feuilles, les sifflements et les entremêlats du vent dans les branches qui dominent le balcon, le soupir du chat endormit à mes pieds.

vendredi 3 juillet 2009

Oro Diktéon



Comme je n'ai pas envie que les vacances soient finies, je vous emmène y faire un tour ! Avant de revenir aux écrits, je ferais donc quelques sujets "tourisme" sur la Crète. En route !


L'Oro Diktéon

La Crète compte environ 3400 grottes répertoriées, mais l’une des plus belles et des plus impressionnantes est surement celle de Psychro, l’Oro Diktéon.
Située sur le flan du mont Dikté, à 1025 m d’altitude à l’ouest de Psychro, elle surplombe le plateau du Lassithi.


Archéologie :

La grotte se compose de deux chambres.
La chambre supérieure que l’on peut voir sans y entrer est de petite dimension et peu profonde. A son extrémité, on a retrouvé un mur d’enceinte qui déterminait un téménos en partie pavé, ainsi qu’un autel carré, construit en pierre de taille non jointe.

La chambre inférieure est beaucoup plus vaste et on y accède au terme d’une descente à pic de plus de 60m. Au fond, se trouve un lac souterrain, ainsi que plusieurs petites salles ornées de stalactites et de stalagmites. L’une d’elle, juste à droite du lac, particulièrement impressionnante, a été baptisée « le manteau de Zeus ». D’après la mythologie, cette grotte aurait vu la naissance du dieu (j’y reviendrais plus loin).

Les fouilles de la grotte ont été commencées au siècle dernier par l’anglais Hogarth et ne sont toujours pas achevées.Néanmoins, les trouvailles déjà effectuées ont permis de dresser un portrait peu commun de ce lieu. En effet, on y a trouvé des traces du culte de Zeus datant du Minoen Moyen II (soit environ 1800 av. JC) pour les plus anciennes, et de la fin de l’époque archaïque orientalisante pour les plus récentes (soit 600 av JC). Soit un culte qui a perduré sur plus de 1200 ans, ce qui est un fait exceptionnel. D’autant que les objets reliés au culte de Zeus n’ont pas été les seuls retrouvés : des pointes de flèche et des objets de pierre taillée témoignent qu’un autre culte était rendu en ces lieux bien avant. Archéologues et historiens s’accordent à dire qu’il s’agissait probablement d’un culte de fertilité et d’abondance rendue à la Déesse Mère.

Les objets retrouvés sont des ex-voto, on peut les observer au musée d’Héraklion ou dans celui d’Oxford. Une grosse partie se compose d’idole de bronze, représentant les fidèles en prière (une façon d’être toujours sur les lieux du culte), mais on a également retrouvé des couteaux, des épées, des poignards, des céramiques, des objets de toilette, des pièces de tissus ou des bijoux, ainsi que de très nombreuse représentation de la double hache crétoise en or ou en bronze. Cette hache n’était pas une arme, mais l’outil de base des crétois. Elle représente donc un vœu de prospérité et non un vœu de victoire guerrière.


Mythologie : La naissance de Zeus

Rhéa, fille de Gaïa (la Terre) et d’Ouranos (le Ciel), était l’épouse de Chronos, dieu du Temps et premier roi des dieux. Elle porta de nombreux enfants de cette union : Déméter, Hadès, Hestia, Héra, Poséïdon et enfin Zeus. Mais on avait annoncé à Chronos que son fils le tuerait et le détrônerait, aussi celui-ci dévorait chacun de ses enfants dès sa naissance, espérant ainsi modifier son destin.
Lorsque Rhéa fût près d’accoucher de Zeus, elle implora l’aide de ses parents, pour protéger son enfant et pour sa vengeance. Gaïa, dont la colère envers Chronos n’avait d’égale que celle de sa fille, emporta l’enfant dès sa naissance pour le soustraire à son père. Elle le cacha dans une grotte, l’Oro Diktéon, afin qu’il grandisse en sécurité. Pendant ce temps, Rhéa présenta à Chronos une pierre enroulée dans un linge que le dieu avala, la prenant pour son fils.

« Hésiode, Théogonie, 468-491.
Mais vint le jour où Rhéa allait mettre au monde Zeus, père des dieux et des hommes ; elle suppliait alors ses parents, Terre et Ciel étoilé, de concevoir avec elle une ruse (mh'tin) qui lui permît d'enfanter son fils en cachette et de faire payer la dette due aux Érinyes de son père et de tous ses enfants avalés1 par le grand Cronos aux pensées fourbes. Eux, écoutant et exauçant leur fille, lui révélèrent ce qui était imparti par avance au roi Cronos et à son fils au cœur farouche. Ils la menèrent à Lyctos, au gras pays de Crète, le jour où elle devait enfanter le dernier de ses fils, le grand Zeus. Et la terre géante le prit pour le nourrir dans la vaste Crète. L'emportant donc à la faveur des ombres de la Nuit rapide, elle atteignit les premières hauteurs du Dictos, et de ses mains, le cacha au creux d'un antre inaccessible, dans les profondeurs secrètes de la Terre divine, aux flancs du mont Agéon, que recouvrent des bois épais. Puis, entourant de langes une grosse pierre, elle la remit au puissant seigneur, fils de Ciel, premier roi des dieux, qui la saisit dans sa main et l'engloutit dans son ventre, le malheureux, sans que son cœur se doutât (oujdæ ejnovhse metafresin) que, pour plus tard, à la place de cette pierre subsisterait son fils, invincible et sans souci, qui devait bientôt, après l'avoir dompté par sa force de ses mains, le dépouiller de ses prérogatives (timês exeláein) et régner parmi les immortels. »

Arrivé à ce stade, on trouve deux variantes de l’histoire. Selon la première, Zeus aurait été élevé par la chèvre nymphe Amalthée, fille de l’Océan. Devenu adulte, Zeus la placera parmi les étoiles en gage de reconnaissance (c’est le Capricorne).
Selon une autre source, Zeus est élevé par deux nymphes, Adrastéia et Idè, Amalthée n’apportant que son lait dans cette version, et protégé par les Courètes. Ces derniers, inventeurs et dispenseurs de savoir divin, en armes, frappaient leur javelot sur leur bouclier, dansant, criant et jouant du tambour autour du jeune Zeus. Ils masquaient ainsi les pleurs de l’enfant pour que son père ne les entende pas. On retrouve là les éléments des danses orgiaques.
Ainsi grandit Zeus, jusqu’à ce qu’il défie Chronos et le tue, libérant par là même ses frères et sœurs.

« Apollodore 1, 1, 6 - 2, 1 Rhéa, furieuse de ces actes, se rend en Crète quand elle se trouve enceinte de Zeus, et elle met Zeus au monde dans une grotte du mont Dicté. Elle le donne à élever aux Courètes et aux filles de Melisseus, les Nymphes Adrasteia et Idè. Celles-ci nourrissaient l'enfant avec le lait d'Amalthée, tandis que les Courètes, en armes, gardaient le nourrisson dans la grotte et choquaient leurs lances contre leurs boucliers pour que Cronos n'entende pas la voix de l'enfant. Rhéa, ayant emmailloté une pierre, la donna à avaler à Cronos comme si c'était le nouveau-né.Lorsque Zeus fut devenu adulte, il prend comme complice Mètis, la fille d'Océan, et celle-ci fait avaler à Cronos une drogue qui l'oblige à vomir d'abord la pierre et ensuite les enfants qu'il avait avalés. Avec eux, Zeus mena la guerre contre Cronos et les Titans. Comme ils se battaient depuis dix ans, Gè prophétisa à Zeus la victoire, s'ils prenaient pour alliés ceux qui avaient été jetés dans le Tartare. Il tua Campè qui surveillait leur prison, et les délivra.. Les Cyclopes donnent alors à Zeus le tonnerre, l'éclair et la foudre, à Pluton le casque et à Poséidon le trident. Munis de ces armes, ils triomphent des Titans (…). Ils se partagent le pouvoir par tirage au sort. Zeus obtient la souveraineté sur le Ciel, Poséidon sur la mer et Pluton sur le séjour d'Hadès. »


Et maintenant, les photos ! Celles marquées d'un * ne sont pas de moi, ce sont des cartes postales. Les couleurs parfois surprenantes sont dues à la prise de vue en mode "nocturne". Et comme toujours : on clique sur la photo si on veut la voir en plus grand !